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Cancer : la révolution des traitements ciblés

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Message  ALINEA Sam 24 Jan - 12:08

Notre pays a lancé un programme national de soins unique au monde.
Louis, 14 ans, a repris une vie normale. Il y a cinq semaines, il était en réanimation, intubé, ventilé, inconscient. Les médecins l'avaient plongé en sédation profonde car les hautes doses de morphine ne suffisaient plus à calmer ses douleurs dorsales. Ses ganglions gonflés comprimaient les racines nerveuses au niveau de la moelle épinière en raison d'un lymphome anaplasique, un cancer du sang apparu il y a six mois. L'une des pires douleurs qui soient. Jusqu'à ce qu'une thérapie ciblée lui soit proposée… «Louis a débuté le traitement le 2 décembre dernier, témoigne aujourd'hui sa mère, l'effet a été radical, en 48 heures il n'avait plus mal et 10 jours après on arrêtait la morphine.» Sur le scanner réalisé deux semaines après le début du traitement, les ganglions ont déjà fondu de moitié. Louis est un miraculé et des milliers d'autres pourraient le suivre, car il est entré dans un programme français sans équivalent dans le monde: AcSé (Accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes).
Le programme débute en juin 2013 sous la houlette de l'Institut du cancer (Inca) et de l'Agence du médicament (ANSM). L'objectif est de faciliter un accès sécurisé à des thérapies ciblées innovantes. Pour cela, il faut des partenaires. Les agences se tournent vers Unicancer, promoteur des deux premiers essais, et la fondation ARC, qui participe au financement. «Il faut aussi remercier Pfizer, premier laboratoire à avoir accepté de fournir gratuitement son médicament, le crizotinib, dans le cadre du programme», souligne la Pr Agnès Buzyn, présidente de l'Inca. «Et la mobilisation de tous les réseaux scientifiques, nationaux ou régionaux.»
Tout patient peut y être inclus
Car l'ambition d'AcSé (qui en fait un programme unique au monde) est bien que tout patient français, éligible à un traitement ciblé susceptible d'être actif sur le profil particulier de «son» cancer, puisse en bénéficier. «Il y a, à ce jour, 152 centres dans lesquels est ouvert le programme AcSé», se félicite le Pr Gilles Vassal, directeur de la recherche clinique de Gustave-Roussy et coordonnateur de l'essai AcSé. «Les centres s'ouvrent à mesure que de nouveaux patients arrivent», explique Agnès Buzyn. C'est la deuxième particularité d'AcSé: tout patient peut y être inclus, où qu'il soit pris en charge sur le territoire, contrairement aux essais cliniques, qui n'ont qu'un nombre de centres limités.

Le crizotinib est un anticancéreux d'administration orale, en principe réservé aux adultes souffrant d'un cancer du poumon avec une altération moléculaire particulière, appelée translocation du gène ALK. Une anomalie que ne possédait pas le cancer du poumon de Jacques, 69 ans, en échec thérapeutique après sept années et qui, de blocs opératoires en chimiothérapie en passant par des séances de radiothérapie, était arrivé au bout du parcours. «Mon médecin m'a dit que l'on pouvait tenter une nouvelle chimiothérapie ou… ne rien faire», raconte-t-il aujourd'hui.
Mais une petite porte s'est ouverte grâce au programme AcSé. «Le cœur du programme est précisément d'accélérer la recherche et la mise à disposition des molécules innovantes pour le patient», explique Christian Caillot, directeur de la recherche d'Unicancer. «Le crizotinib possède au moins trois cibles, ALK, mais aussi MET et ROS1, explique le Pr Vassal. Si le diagnostic moléculaire, possible partout en France grâce aux 28 plates-formes mises en place, identifie l'une de ces anomalies, le patient peut entrer dans AcSè.»

«Une révolution en marche»
Ce sera la chance de Jacques. «J'avais la mutation ROS1. On m'a dit que ça n'arrivait que dans 0,8 % des cancers du poumon. Entre refaire une chimio ou ne rien faire, s'ouvrait un 3e choix: essayer ce nouveau médicament. C'est ce que j'ai fait.» Un bon choix. «Moi qui ne sortais plus et me traînait jusqu'à la salle de bain, je fais aujourd'hui une heure de sport chaque matin, je retourne à la piscine avec ma petite fille et je marche 15 km par jour avec ma femme.» Après 4 mois, son cancer avait diminué de 90 %. Même évolution spectaculaire chez Irène, dont le cancer du poumon a été diagnostiqué en 2013. Elle était sous oxygène mais n'en a plus besoin aujourd'hui. «J'ai une métastase au cerveau pour laquelle je viens de commencer les rayons (radiothérapie, NDLR), mais le cancer du poumon est en très nette régression et en dehors de la fatigue, je supporte très bien le traitement. Beaucoup mieux même que la chimiothérapie que j'avais eue en 2007 pour un cancer du sein.»
Pour le Pr François Sigaux, directeur du pôle recherche et innovation de l'Inca, «c'est la première fois que la preuve du concept de médecine de précision peut être mise en place à l'échelle d'un pays». Dans AcSé, ce n'est plus l'organe touché qui prime, mais la carte d'identité des anomalies fonctionnelles du cancer d'un patient donné. «Une révolution en marche», s'enthousiasme Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation ARC. «C'est un modèle complètement nouveau», remarque Cécile Delval, directrice de l'évaluation de l'ANSM, «avec l'organisation d'essais pour que les patients soient mieux suivis et leur sécurité bien assurée».
Cent cinq patients, dont trois enfants, sont désormais entrés dans AcSé. L'avant-garde d'une révolution française en oncologie.

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